
Chaque mois, Peritell invite une personnalité locale à composer et partager une playlist réalisée pour l’occasion. Pour cette première nous convions Pernette Houdayer, organisatrice de concerts, musicienne sous le nom de Pâte à sel, photographe de scène et de presse, sculptrice et illustratrice.
Chaque Listomania est proposée sur peritell.net ainsi que par le biais de cartes diffusées dans les différents lieux culturels rennais.
Cette playlist est accompagnée par un entretien réalisé par l’illustratrice Ambre Ménard, ainsi que d’un dessin illustrant cette Listomania 1 (ci-dessus) et d’un portrait de Pernette Houdayer (en fin d’article).
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Listomania 1 (novembre 2025)
Au milieu des ruines en feu par Pernette Houdayer
Accès direct à la playlist sur YouTube (morceaux non mixés) et sur SoundClound (morceaux mixés).
Tracklist YouTube (cliquer pour dérouler)
1/ LOTO RETINA – Aroy
2/ JARDINO – La Pastorella
3/ PIERNA TALU – La Mer est loin
4/ NONNA RINA – Un volcan pour deux
5/ ACTE BONTÉ – Carlotta au-delà
6/ ENREGISTRER LE FICHIER – Musique.mp3
7/ ATTENTION LE TAPIS PREND FEU – Friendzone
8/ ANNE LAPLANTINE – Fa
9/ REYMOUR – La Scène
10/ BIP 3 – Errol
11/ NAOMIE KLAUS – Poison candy
12/ BRIGITTE NRV – Chanson française (Bandcamp)
13/ EYE – Sabine
14/ CLARA LE MEUR – Le Soleil chante à l’horizon
15/ SARAH MAÏ – Vu d’ici
16/ COOLSHNOCK – Sexy
17/ ORQUE – Intérieur
« Dans ma playlist Au milieu des ruines en feu, j’ai voulu offrir aux auditeur.ice.s un moment de douceur, un voyage émotionnel qui évoque peut-être la lente tristesse qui nous traverse tous.te.s parfois, mais surtout tout le réconfort que peuvent apporter quelques mots, des notes bien choisies sur un synthé ou encore de lentes mélodies qui se répètent et qui nous transportent jusqu’au lâcher prise. J’ai souhaité partager cette sensation que je ressens dans chacun des morceaux – choisis avec grande attention –, cette sensation d’authenticité et la sensibilité particulière à rester soi-même de la part des artistes musicien.ne.s. J’espère que les personnes qui écouteront s’identifieront d’une manière ou d’une autre à ces sentiments traduits en musique et demeurant intacts, à travers la sobriété des voix ou l’ivresse des mélodies.
« J’ai saisi l’opportunité de réaliser une playlist pour Peritell avec une immense joie à l’idée de donner un petit peu de visibilité à des morceaux, chansons et artistes qui me touchent particulièrement. Certain.e.s artistes sont des ami.e.s ou des connaissances, et je crois que c’est une manière de leur dire merci pour embellir mon quotidien, à travers ce qu’iels font et grâce à qui iels sont. Et j’espère que les auditeur.ice.s trouveront cette playlist comme familière : conviviale, mais surtout agréable. »
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ENTRETIEN
Ambre Ménard et Pernette Houdayer, vendredi 17/10/2025
Le nom Pâte à sel que tu emploies pour ta musique, c’est uniquement par clin d’œil à tes sculptures ?
J’aimais bien l’aspect un peu rigolo, ça va bien avec ma musique, et c’est accessible d’autant que tout le monde en a déjà fait… En fait, je faisais de la pâte à sel, je cherchais un nom et je me suis dit concrètement, pourquoi chercher plus loin un nom de scène ? C’est rigolo, ça sonne bien, ça se retient facilement ! Lorsque je me produis, un des derniers morceaux que je joue consiste à donner la recette de la pâte à sel tout en jouant du synthé. C’est mon seul morceau plus ou moins improvisé, tous les autres sont écrits.
Vu de l’extérieur, les dessins que tu produits pour les affiches de concerts ont justement l’air spontanés voire presque naïfs.
Cette naïveté est justement réfléchie ; lorsqu’il s’agit d’affiches il faut bien entendu que ce soit explicite, que les informations soient claires… c’est du graphisme. Je ne me revendique pas du tout graphiste mais il faut quand même que l’on sache de quoi il s’agit tout en restant joli ou en tout cas à ma sauce.


Voulais-tu donner un thème, une orientation à cette playlist ?
Au départ, je voulais exploiter le thème de l’amitié, puis je me suis dit que ça n’allait être que des artistes féminines – ce qui a changé la ligne directrice. Leur donner de la visibilité est hyper important même si en soit il ne me semble pas que ça en fasse un thème de playlist. Il s’agit de morceaux DIY de la scène indé ; il n’y a pas beaucoup de stars dans ma playlist. Est-ce que ça en fait un sujet ? Je ne sais pas par contre c’est une ligne directrice, afin de donner de la visibilité, de faire quelque chose de cohérent – et uniquement avec des morceaux que j’adore et que j’écoute régulièrement. Il y a également une cohérence musicale portée par les voix, les paroles, les boucles, les synthés, et qui dans leur continuité fonctionnent bien ensembles. Ils ne comportent pas beaucoup de paroles alors qu’habituellement j’accorde beaucoup d’importance aux textes.
La commande était de produire une playlist calme, ce n’était pas trop dur ?
En fait, c’est ce que j’écoute tout le temps ! Le plus dur était de trouver des morceaux présents sur YouTube. Les artistes que je suis sont sur Soundcloud et Bandcamp et ils ne diffusent pas forcément leur musique sur les plus grosses plateformes, par manque de temps et parce qu’ils n’ont pas de label pour le faire. Ce n’était donc pas une contrainte facile à résoudre, et j’ai dû contacter quelques artistes afin qu’ils puissent changer un paramètre permettant d’ajouter leur morceau à une playlist. Ça a par exemple été le cas de Nonna Rina, une artiste que j’aimerais inviter par le biais de Youpi Concerts. Cela a également été le cas avec Marie-Laure, qui fait de la musique sous le nom de Bip 3. Elle organise d’ailleurs des concerts avec l’artiste Estelle Chaigne pour leur association Epistolar, elles m’ont invité à jouer en octobre.
Peux-tu parler de certains morceaux ? Par exemple, j’ai été touchée par le deuxième morceau, La Pastorella de Jardino ; je ne m’attendais pas à rencontrer ce titre dans une playlist.
Jardino est un trio féminin chantant a capella ou parfois avec peu d’instruments. C’est sorti sur le label Musi Musique de Clara Le Meur – qui fait également partie de Jardino –, et dont j’ai également mis un morceau d’elle en solo : Le Soleil chante à l’horizon. Je le trouve très beau… et effectivement, il donne une vision de la musique moins « moderne » alors que ça sonne hyper frais ! Je trouve intéressant de montrer que l’on peut faire de la musique seulement avec des voix, là en l’occurrence c’est trois personnes, mais une seule personne peut boucler sa voix et faire plein de choses avec. Je trouve que les cordes vocales sont le meilleur instrument qui existe.
Le sixième morceau est d’Enregistrer le fichier, une très bonne amie avec laquelle je peux aussi faire de la musique parfois. C’était important pour moi de mettre en valeur mes amis dont Enregistrer le fichier, Attention le tapis prend feu , Bip 3 qui m’a récemment invitée à jouer… Il y a également la Rennaise Brigitte NRV. Coolschnock est une très bonne amie d’Attention le tapis prend feu et j’ai pu découvrir Orque en stories d’amis. En fait, j’avais envie de sélectionner mes petites pépites, des gens trouvés au compte-goutte et qui sont souvent proches de moi ou de mes ami.e.s.
Il y a également des « gros noms », des meufs un peu plus connues comme Naomie Klaus, lesquelles sont ancrées dans le terrain.
La plupart des morceaux sont assez récents et les artistes sélectionnées changent fréquemment d’esthétique musicale ; si j’avais fait une playlist avec les mêmes il y a cinq ans, les morceaux auraient été très différents.
Comment t’y prends-tu pour chercher et découvrir de nouveaux artistes, de nouveaux morceaux ?
Je fais confiance aux labels que je suis ! J’écoute également des émissions de radios en ligne (je pense à NTS, Ola Radio, Radio Sofa, LYL Radio, Mutant radio, etc.), et comme j’ai beaucoup de copains dans le monde de la musique je découvre régulièrement de nouvelles choses. L’algorithme de Soundcloud est hyper bien fait : avec juste trois morceaux écoutés d’affilée, il va te constituer une playlist avec que des trucs que t’aimeras ! J’aimerais bien avoir plus le temps de digguer.
Je vais souvent en concert, même lorsqu’il s’agit d’artistes que je ne connais pas. Je fais confiance aux organisateur.ice.s, notamment Mourir Bête, où je me dis « on va voir ce qu’ils ont à nous proposer ». Et je suis très rarement déçue !
D’un point de vue musical, les compositions sont assez minimalistes et semblent surtout faites avec un ordinateur et un micro…
En fait c’était ça mon autre ligne conductrice : des artistes, comme moi, dans le DIY ! Je ne l’avais pas encore intellectualisé comme tel.
Parmi les artistes retenues, certain.e.s n’ont pas de formation de musicien.ne.s et ont commencé en bidouillant. Les artistes enregistrent effectivement pour la plupart chez elleux, dans des conditions minimalistes, des studios homemade, parfois même dans leur chambre. Enregistrer le Fichier composait principalement ses morceaux avec le logiciel Garage Band avant d’avoir d’autres manières de fabriquer de la musique : instruments, loopers, pédales diverses. J’aimerais dire aux gens que tout le monde peut faire de la musique, même sans maîtriser un instrument particulièrement, on peut même faire de la musique avec un bout de bois et un caillou.

Comment t’es-tu retrouvée à organiser des concerts ?
Ça s’est passé à l’envers ! En fait c’est Thibault des projets TG Gondard, Colombey, Pizza Noïse Mafia, Bueno White qui cherchait une date à Rennes sur sa tournée en compagnie de Lola qui a un projet musical qui s’appelle Doresale. Je tente de mobiliser mon réseau afin qu’ils puissent se produire mais je ne réussis pas à les booker sur Rennes. Comme j’ai très envie de voir ces concerts, je leur ai répondu « Bon alors, puisque personne ne peut je m’en occupe ! » – et c’est comme ça qu’a commencé Youpi Concerts !
Je n’avais jamais fait ça de ma vie, je m’y prends au départ toute seule mais heureusement que j’étais entourée d’amis qui sont de supers bénévoles : cette première date au Ty Anna, le 16 janvier 2025, s’est super bien passée.
J’avais pour avantage d’avoir déjà une programmation pour cette première et sans avoir à défrayer les artistes, juste à les payer au chapeau afin de financer leur tournée – ce qui est un très gros avantage lorsque l’on organise. Il faut au préalable trouver le lieu puis réaliser une affiche, trouver les personnes gérant le son, les hébergements et le catering, prévoir le nombre de bénévoles à l’entrée, calculer l’argent à encaisser afin de rentrer dans mes frais… C’est plein de boulots mis bout à bout ! Pour cette première j’avais surtout – avec leur accord – le rôle d’une cheffe d’orchestre.
Et tu aimes bien faire tout cela ?
J’adore ! Sur le moment c’est terrifiant d’avoir la sensation d’être cheffe d’entreprise – ce que je n’aime pas du tout –, par contre la satisfaction juste après des artistes et d’un public comblé fait que tu es trop contente à la fin.
Cela a été différent pour la deuxième soirée ?
J’ai établi une liste de personnes qui n’ont jamais jouées à Rennes et que j’aimerais voir, ça commence par là : « qui ai-je envie d’inviter ? J’ai envie de voir tel groupe, tel autre et tel autre. Ça va bien ensemble et on peut en faire une programmation ! » Une fois les artistes contactés, il faut à nouveau trouver le lieu… et ainsi de suite. La soirée à la Ferme de Quincé n’a pas trop marché à cause du mauvais temps ; cela fait partie du jeu. Les prochaines dates auront lieu en 2026.
Es-tu attentive à la scénographie ?
J’adore ça ! Celle des concerts que j’organise évolue petit à petit, faute de place, mais j’ai des idées pour la faire évoluer. J’adore observer celles des concerts et des soirées auxquelles j’assiste – même si elles ne sont pas faites pour un artiste précis –; l’idée est que les gens se sentent bien, moi la première.
Lorsque tu écoutes ou joues de la musique, des images te viennent-elles rapidement en tête ?
Il n’y a pas vraiment d’images, d’autant que je préfère réfléchir aux paroles, aux émotions que cela me procure, ainsi que la raison pour laquelle cela me touche autant. Par contre, il m’arrive très souvent de cliquer sur un album parce que j’adore le visuel ! Parfois je suis déçue et parfois j’en suis très contente.
Je regarde presque uniquement les clips de mes amis. Je suis très éloignée du cinéma et du clip : c’est une culture que je n’ai malheureusement pas. Peut-être que ça viendra plus tard.


Quelles différences fais-tu entre programmer des groupes en live et sélectionner des morceaux pour une playlist ?
Il y a des choses que j’écoute en live que je n’écouterai pas en version studio. Il me semble qu’en concert tu es obligée d’écouter de la musique d’autant que tu la vois en train d’être fabriquée, alors que lorsque tu écoutes une playlist tu as juste un rendu final… et souvent ça t’accompagne plus que tu ne l’écoutes en réalité.
Lorsque je fais une playlist, je me demande si c’est pour proposer une musique de fond ou pour écouter de la musique ; lorsque l’on en fait une ça dépend pour qui et pour quoi. La mixtape faite pour Motherlode, c’était pour donner de la visibilité à des artistes car cela sortait sur un label. La mixtape destinée originellement à mon beau-frère était sentimentale, émotionnelle, peut-être moins cohérente parfois mais donc adressée au départ à une seule personne… avant que je ne la rende publique en partageant le mix sur mon soundcloud, avec son accord.
Pour Listomania, il m’a été demandé de faire une sélection pour les moments calmes, pour la sieste et j’ai suivi cette directive. J’ai pensé cette playlist de manière fluide, comme un texte avec une introduction (instrumentale), un développement et une conclusion (dans lequel Orque parle d’extérieur et de fin). Après, est-ce que cela raconte une histoire ? Non, je ne pense pas.
Lors d’une soirée concert, ce n’est pas grave si les trois lives programmés ne vont pas ensemble, et cela donne au contraire des rebondissements à la soirée.

Est-ce important pour toi de faire partie d’un écosystème et d’écouter cela au quotidien ?
Ce n’est pas tant que d’être dans un écosystème proche que le fait que leur musique me touche ; c’est beaucoup plus aimable lorsque c’est fait par des gens que t’aimes. Quasiment tous les morceaux de cette playlist sont en français ou en tout cas dans la langue maternelle de la personne qui les a écrites. J’ai l’impression que les gens y mettent davantage du leur – ou en tout cas c’est forcément plus touchant si c’est fait intimement, dans la sincérité et la spontanéité.
Les morceaux de cette playlist sont des chansons auxquelles je pense souvent, qui sont très évocatrices, très accessibles. Pas intello si je puis dire. Le Soleil chante à l’horizon de Clara Le Meur est une chanson que j’ai tout le temps en tête. D’ailleurs, les chansons de cette playlist sont très accessibles de par ce qu’elles évoquent je trouve, du coup ça se chante facilement.
As-tu l’impression de faire partie d’un milieu indé, ou bien côtoies-tu suffisamment de personnes dans cette même niche pour avoir l’impression du contraire ?
J’ai l’impression que je n’écoute que des morceaux et des artistes très connus à mon échelle… mais c’est parce que mes proches écoutent des choses similaires. Je ne suis pas unique dans cet univers mais effectivement ça reste assez niche.
Quel est ton rapport à la danse ?
En concert j’écoute d’abord… et si ça me plait, si ça m’emporte, je danse ! Des fois je ne sors que pour danser et je fais confiance au DJ pour m’emporter. Mais lorsque je vais à un concert, j’y vais d’abord pour l’écoute : me faire danser n’est pas un impératif – parfois je peux adorer et néanmoins rester assise à écouter et admirer.
J’achète des K7 aux concerts auxquels j’assiste lorsque c’est possible ; je n’achète pas beaucoup au format numérique. Je le fais parfois sur Bandcamp mais c’est hyper rare. Je préfère que ce soit des supports physiques, d’autant que je connais plein de gens qui conçoivent bien leur objet.
Outre l’organisation de concerts, serais-tu intéressée pour faire découvrir davantage d’artistes en créant un label ?
J’ai pensé monter un label pas mal de fois mais je me demande toujours quelle pierre je pourrais apporter à l’édifice aujourd’hui. Il y a tant de structures qui me correspondent parfaitement en tant qu’auditrice, je n’ai pas envie de proposer quelque chose qui brasse le même monde et de faire moins bien… mais j’y pense régulièrement depuis trois ans. Par contre, je veux continuer à proposer des concerts !



